Le 13 août 2023, quelques 45 millions d’Argentines et d’Argentins étaient appelés aux urnes dans le cadre des primaires nationales du pays, à 2 mois des élections générales. A la stupeur générale, Javier Milei, candidat ultra-libéral et ultra-conservateur est arrivé en tête du scrutin, devant les candidats péronistes. Pourtant, l’onde de choc après la victoire de Milei aux élections PASO ne semble pas avoir ému les médias européens, alors même que se joue l’avenir de la deuxième puissance sudaméricaine. Un décryptage s’impose.
Depuis plusieurs années, l’Argentine comme l’ensemble de l’Amérique Latine traverse une crise économique et sociale sans précédent. Logiquement, cette situation complexe a décrédibilisé l’actuel président argentin Alberto Fernandez (centre-gauche péroniste), sa gestion étant jugée par beaucoup trop timorée. La critique est telle que le président a refusé de se représenter à sa réélection dans deux mois (ce qui n’est pas sans nous rappeler quelque chose). A la place, son actuel ministre de l’Économie, Sergio Massa, est pressenti. Incapable d’endiguer la crise du peso argentin, jugé par beaucoup comme un calculateur froid, Massa est loin de faire l’unanimité, son camp étant désormais dans la tourmente. Face à lui, la candidate péroniste de droite Patricia Bullrich et le libertaire Javier Milei.
Cette crise, outre une incarnation du malaise profond de la société argentine, pourrait résulter dans la fin du règne sans partage des péronistes depuis 40 ans. Le péronisme, parlons-en. Né dans les années 1940, ce mouvement de masse structuré autour de Juan Perón est aujourd’hui une coquille vide réunissant (en grandes lignes) le camp progressiste. C’est précisément cet establishment que le peuple argentin souhaite voir évoluer avec Javier Milei comme chevalier pourfendeur.
Nous socialistes, devons nous inquiéter de la percée d’un candidat comme Milei. Homophobe, sexiste, favorable au port d’armes à feu et anti-avortement, le sinistre chef de La Libertad Avanza pourrait faire rebasculer l’Argentine dans un Etat policier et libéral aux antipodes de ce que nous portons.
Si l’heure est grave pour la démocratie argentine (qui fête cette année ses 40 ans d’existence), quelques pistes devraient être exploitées par la gauche argentine.
- D’abord une politique économique ambitieuse. Nerf de la guerre, l’économie argentine sombre jour après jour : quand un peso valait 0,02 euros il y a 5 ans, celui-ci ne vaut plus aujourd’hui que 0,002 euros. C’est le pouvoir d’achat des Argentines et Argentins qui s’en trouve amoindri et qui provoque bien entendu cette sourde colère des classes travailleuses.
- Ensuite une redéfinition de ce qu’elle entend par péronisme. Ce courant, aujourd’hui dépassé, rassemble autant le Parti Communiste Argentin que les partis de centre-droit comme l’UCR. Les Argentins doivent à nouveau s’identifier à une gauche forte et claire sur ses ambitions.
Dans cette croisade idéologique, la gauche argentine peut compter sur une force clé, la jeunesse.
En suivant la mobilisation des syndicats étudiants et en échangeant avec beaucoup d’entre eux, j’ai constaté depuis un mois la forte politisation des jeunes de ce pays. Ils me font part de leur déception pour le péronisme sous sa forme actuelle mais aussi de leur crainte d’un Trump sauce argentine. Beaucoup sont séduits par la promesse de Milei de sortir l’Argentine de sa torpeur par un remède choc : la dollarisation totale de son économie. D’autres étudiants sont au contraire exaspérés du résultat des primaires du mois dernier, et loin de sombrer dans l’apathie des plus anciens, rejoignent les partis de gauche et les syndicats, tractent et militent pour que le pire n’arrive pas, en pariant avec raison sur la justice sociale pour que l’Argentine aille à nouveau de l’avant.