Après deux intenses journées de tergiversations, la patronne du Gouvernement a rendu sa décision. C’est ainsi Gabriel Attal, macroniste de la première heure, qui remplacera Pap Ndiaye au Ministère de l’Éducation Nationale. Chez les premiers concernés, la décision est loin de ravir. Pourtant, l’ancien secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, n’en est pas à son coup d’essai sur les politiques éducatives, et l’on ne peut pas franchement dire que ce soit une réussite…
Gabriel Attal quitte le Parti Socialiste en 2017 pour suivre Emmanuel Macron lors de l’élection présidentielle de la même année. Il devient député le 21 juin 2017 dans sa circonscription des Hauts-de-Seine et fait ses premiers pas dans la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale où il se fait remarquer par son assiduité. Seulement, en décembre 2017, il devient rapporteur du projet de loi sur l’orientation et la réussite des étudiants. Ce texte, très largement contesté, instaure notamment la création de la plateforme Parcoursup, aujourd’hui bien connue pour ses défauts.
Parmi les reproches que l’on peut formuler à l’encontre de Parcoursup, c’est que cet outil acte clairement la volonté du gouvernement de ne pas assurer autant de places que nécessaires dans l’Enseignement supérieur. A l’arrivée, ce sont plusieurs dizaine de milliers de bacheliers qui se retrouvent sans orientation post-bac – 80 000 pour la promotion 2023 pour le moment. Ensuite, la fiabilité du système est souvent remise en question. En effet, le gouvernement refuse toute transparence sur les algorithmes utilisés pour la sélection des dossiers ; ayant pour effet de renforcer le stress des élèves de terminales qui ne sont que très peu informés sur les méthodes de réussite, mais aussi de provoquer des cas plutôt insolites. Ainsi, l’an dernier, une élève avait été acceptée en études supérieures alors que sa lettre de motivation était une recette de cuisine. A côté de cela, des élèves ayant parfois d’excellents résultats scolaires sont évincés du système, grâce à l’opacité de ce dernier.
En 2021 maintenant, alors Porte-parole du Gouvernement, Gabriel Attal reçoit lors d’un direct sur Twitch cinq jeunes pour débattre avec lui des conditions de vie des étudiants. Étant sur le papier une bonne idée, ce rendez-vous se transforme rapidement en un coup de communication, un peu raté… Tout d’abord, les observateurs les plus attentifs noterons que durant cet échange, aucun journaliste n’était présent, afin d’appuyer les cinq jeunes dans leurs propos, ou du moins d’effectuer une vérification des informations données de part et d’autre. Aucun journaliste donc, les jeunes sont livrés à eux-mêmes, face au représentant de la parole gouvernementale, comme le soulève alors Clément Viktorovitch dans une chronique parue quelques jours plus tard.
De plus, en écoutant les thèmes qui sont proposés autour de la table, on peut facilement remarquer un léger décalage entre les interrogations soulevées et les problèmes concrets des étudiants. En effet, on entend parler de voyages en avion, de vacances au ski, au moment même où toute la France se lamentait de voir les files devant les aides alimentaires s’allonger toujours plus… En réalité, en regardant la sociologie de ces jeunes, on comprend mieux cette dissonance. Il s’agit en fait d’influenceurs sur les réseaux sociaux. Il se trouve donc que leur aisance financière – comme en témoigne la photo de Fabian, un des invités, posant devant la belle voiture qu’il s’était offerte pour ses vingt ans – n’est absolument pas représentative de la majorité des étudiants français. Même si ces influenceurs sont tout à fait aptes à porter la parole de leur communauté, elle n’est de fait pas représentative de celle de tous les étudiants.
Le plus déplorable dans cette histoire, c’est qu’à côté de cela, le gouvernement, dont Attal en première ligne, refuse toute concertation avec les syndicats étudiants. Des mois durant, les organisations étudiantes ont alerté les différents ministres, et la seule réponse qui a su leur être apportée est une vive polémique sur l’islamo-gauchisme dans les universités. Pour le gouvernement, une fois de plus, faire monter l’extrême-droite en reprenant mot pour mot sa rhétorique était plus important que de lutter contre la précarité étudiante qui touche un jeune sur cinq.
En somme, ce qui inquiète avec cette nomination, c’est le manque de capacité qu’aura Gabriel Attal à se saisir des problèmes de la jeunesse et à agir dans son intérêt. L’ensemble de la communauté éducative est aujourd’hui soumise à un système qui se dégrade, et rien n’indique que la situation tend à s’améliorer. La diminution du nombre d’heures allouées aux établissements, la surcharge des classes, la mise en compétition des enseignants, sont autant de mesures purement libérales que la droite et la macronie s’acharnent à appliquer à notre système scolaire français. Cela crée des inégalités, et nous le savons. Les familles ayant les moyens partent dans le privé, tandis que les plus précaires ne peuvent plus jouir d’un service public de qualité. Voilà ce qui inquiète les enseignants, les membres du personnels, les lycéens… Leurs représentants à toutes les échelles craignent, aujourd’hui, un dialogue de sourd, tant pratiqué par les macronistes, mais qui ne saurait régler quelque problème que ce soit…
Crédit photo : Selbymay, CC BY-SA 4.0 https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0, via Wikimedia Commons