Aller au contenu
Accueil » Billet : Communautés et politique

Billet : Communautés et politique

Avant de commencer j’aimerais rapidement définir ce qu’est une communauté. Voici la définition Larousse :” État, caractère de ce qui est commun à plusieurs personnes : Une communauté de biens, d’intérêts.”

En d’autres mots ; si vous avez la moindre activité et que vous n’êtes pas la seule personne en France à la faire, vous aurez probablement des intérêts en commun avec les autres personnes qui font cette activité : vous voilà dans une communauté. Même si vous n’avez absolument aucune activité (vous passez donc la journée à regarder le plafond en attendant la mort), vous êtes quand même dans les grandes communautés qui intéressent particulièrement les médias aujourd’hui, à savoir ethnique, religieuse et d’orientation sexuelle et qui sont d’ailleurs les seules à être mis sous l’étiquette péjorative du “communautarisme”, ce qui est difficile à comprendre (en quoi un parti ouvertement créé pour donner le pouvoir aux chasseurs ne serait pas un danger pour la république ?).

De même, d’après moi la politique est essentiellement communautaire. Si un projet politique vise à améliorer la vie de plusieurs personnes, c’est qu’elles partagent un intérêt commun. La seule exception est quand le projet concerne les droits humains, par exemple, l’abolition de la peine de mort ou la légalisation de l’avortement. Mais on ne peut pas limiter la politique à quelques grandes réformes marquantes. 

On ne peut pas dire que les communautés sont par nature une mauvaise chose, et c’est même d’après moi l’inverse. Une communauté soudée est source de solidarité, de fierté et de dépassement par esprit de corps. 

Une problématique peut apparaître quand chaque communauté est amenée à développer une influence politique pouvant inciter les dirigeants à prendre des décisions intéressées. Influence dont l’obtention dépend du régime dans lequel on se trouve, mais dans le cas d’une démocratie, on pourrait le voir comme le nombre de voix. 

Cette situation n’est pas si problématique sur le papier, octroyant la possibilité pour chaque communauté d’exister politiquement et de défendre ses intérêts, nous permettant d’aller vers le bien commun d’un pas décidé.

Orienter les programmes politiques sur les communautés ne serait donc pas un problème, voir serait la finalité de la démocratie.

Malheureusement, il arrive que ce système bien rodé finisse par se pervertir. Par exemple, quand une communauté est en majorité absolue, elle peut dépasser l’objectif de défense d’intérêt et elle obtient le pouvoir légitime de stigmatiser toutes les autres communautés, créant la pire crainte du pouvoir : une société divisée, poussant les communautés minoritaires à prendre leur indépendance et à résister contre les règles qu’on cherche à leur imposer pour faire société.

Un autre risque de ce système est quand la nature d’une communauté la pousse à s’imposer et à être un danger pour la liberté des autres à exister.

Les communautés religieuses étant fondées sur des convictions sacrées, dogmatiques et absolues, cela les rend particulièrement sensibles à l’idée de transcender la simple défense d’intérêts. Une communauté religieuse, en raison de sa dimension spirituelle et totalisante, pourrait chercher à influencer directement les institutions pour aligner les lois sur des dogmes. Le risque étant que les croyances individuelles dictent les règles du vivre-ensemble.

Comment pourrait-on empêcher la stigmatisation des communautés minoritaires ou les risques venant des communautés religieuses ? Concernant la stigmatisation la première solution est aussi la plus simple : interdire cette situation. On peut donc, par exemple, interdir de pratiquer la discrimination raciale ou religieuse et comme vous le savez, c’est heureusement déjà le cas en France. Concernant les religions, il y a le principe fondamental de la laïcité qui doit nous protéger. Cependant, même si notre éducation républicaine nous oblige à respecter toutes les décisions juridiques, elle ne nous impose pas à croire en la justice infaillible. Il faut donc proposer d’autres solutions que la simple interdiction.

Pour rapidement évoquer la laïcité, il suffit au gouvernement de ne pas financer ou s’impliquer dans des activités religieuses. Cela semble étrangement plus facile à dire qu’à faire et nécessiterait probablement un billet dédié à l’analyse du pourquoi. Ceci dit, dans la suite de ce texte, je vais me concentrer sur la stigmatisation des communautés minoritaires.

On peut se pencher sur la méthodes de La France Insoumise, scandaliser les communautés minoritaires pour les pousser à s’impliquer dans une lutte, multipliant l’influence politique de ses membres. Le contre coup est une radicalisation desdites communautés, potentiellement une perte de vue de l’objectif et faire de la lutte contre les institutions une finalité, entrant ainsi dans une opposition constante et peu constructive. Cette lutte peut sembler brutale et faire peur à une partie de la population qui n’était dès fois que peu ou pas politisée, ce qui a un impact négatif sur les résultats électoraux des projets qui viseraient à empêcher la stigmatisation. A mes yeux, cela reste toujours mieux que l’abandon et la résignation face aux injustices et à l’avantage de mobiliser et de développer l’esprit politique. En résumé, LFI scandalise, radicalise mais politise.

Là où le Parti socialiste pourrait retrouver sa place est dans l’institutionnalisation de cet esprit politique. Historiquement, lors de la première percée du FN, le PS avait déjà fait un pas dans ce sens avec son soutien à la création de SOS racisme. L’expérience a montré les limites de cette solution, mais nous pouvons proposer des actions en continuité idéologique.

Nous pourrions soutenir la formation de cadres communautaires capables de dialoguer à la fois avec l’État et avec leurs propres communautés. Le PS étant un parti connu pour avoir un grand nombre de membres hautement diplômés et d’élu locaux, il serait en capacité d’aider directement en proposant des formateurs, du financement ou son carnet d’adresse (comme pour SOS racisme, il est nécessaire que ces formations ne soient pas sous une étiquette partisane et pas non plus orientées pour être des cellules d’embrigadement socialiste). Ce qui serait aussi un symbole de l’envie du PS d’avoir une meilleure représentativité politique et de sortir de son carcan technocratique.

On peut aussi imaginer que la solution est de renouer avec une organisation associative indépendante qui mettrait également en avant la nouvelle cible du RN, à savoir les musulmans (le nom “SOS racisme” est aujourd’hui trop réducteur). Nous pourrions reprendre leurs revendications dans le programme du PS en les remettant sur le devant de la scène médiatique pour qu’ils puissent défendre eux même leurs propositions. Ce n’est qu’un exemple concernant les stigmatisations ethniques et religieuses mais on peut garder le même processus quelque soit la communauté. Dans le but de sortir de l’argumentaire arguant que la politique ne sert à rien, est déconnectée et que seule la violence fait bouger les choses.

Quelle que soit la méthode, le PS se doit de démontrer et d’apprendre qu’on peut réformer  les institutions sans les rejeter. Ma vision du PS moderne est un parti qui rejette l’homme providentiel cherchant à guider les masses opprimées vers un idéal, et qui à la place, cherche à bâtir une démocratie où tout le monde serait en capacité d’appréhender son pouvoir pour faire entendre sa voix. 

Adrian Briot