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Billet : Socialistes, notre idéal est anticapitaliste !

Et oui, cela peut étonner des citoyen-ne-s, des sympathisant-e-s et des militant-e-s de gauche, même des camarades socialistes, mais les Jeunes Socialistes, et le Poing Social plus particulièrement, sont anticapitalistes. Grâce à une contribution déposée par la fédération de la Loire, que les Jeunes Socialistes ont adoptée, en conseil national, l’anticapitalisme est un des combats du mouvement. Le Poing Social, courant d’aile gauche des Jeunes Socialistes, fait sien ce positionnement. Mais, demeurent des questions : “Qu’entendons-nous par ce positionnement anticapitaliste ?” , “Pourquoi est-il à nos yeux important de nous en réclamer ?”

Chaque militant-e, lorsqu’il s’engage, a des raisons de le faire. Bien souvent, un idéal l’anime. L’anticapitalisme est une question d’idéal. La question que nous nous sommes posé-e-s avant de nous assimiler à l’anticapitalisme est celle-ci : “La finalité de notre lutte politique est-elle de réformer le système capitaliste, de conquérir des avancées sociales, de placer les syndicats dans des conditions favorables en vue de négocier face au patronat -c’est l’option retenue par les sociaux-démocrates nordiques, par exemple-, ou voulons-nous, par la réforme, en finir avec le système capitaliste, après avoir connu des transitions successives ?”. A cette question, nous répondons par la deuxième proposition : nous estimons qu’il est à la fois possible et plus que souhaitable de sortir de ce système oppressif.

Cela ne signifie pas pour autant qu’à la première élection remportée, nous nous empresserons d’abolir le capitalisme, même si ce n’est pas l’envie qui nous fait défaut. Il faut être conscient-e de l’environnement qui nous entoure, nous ne pourrons, d’un claquement de doigts, liquider ce système ; mais nous comptons bien, sur le long terme, le dépasser. Nous faisons nôtre la phrase du Grand Jaurès : « Le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel. ». Nous n’oublions pas la mise en garde de Jacques Mandrin -qui n’est que le pseudonyme d’un trio composé de Didier Motchane, de Jean-Pierre Chevènement, et d’Alain Gomez- : “Deux excès sont alors possibles : ceux qui ont la tête dans les nuages et ne savent plus marcher ; ceux qui regardent où ils mettent les pieds et oublient où ils vont.”. Nous n’occultons aucune réalité du monde qui est le nôtre, mais nous sommes animés d’un puissant et exigeant idéal, que nous voulons accomplir, via la participation aux institutions déjà existantes. Jamais nous n’imposerons à une majorité de français-es, par une révolution, un projet lui-même minoritaire, dans les urnes, lors des élections. Si nous combattons les oppressions liées au système capitaliste, ce n’est pas pour épouser le totalitarisme, qui se situe à l’exact opposé de notre projet de société inspiré directement du socialisme démocratique. Aussi, dans notre militantisme, et dans nos combats électoraux, nous récusons le recours à la démagogie, qui n’honore d’aucune manière la politique, et qui est un véritable manque de respect vis à vis des électeur-trice-s.

S’il est pour nous important de nous affirmer anticapitalistes, c’est parce que l’ensemble des citoyen-ne-s et le peuple de gauche peuvent se questionner, à raison, sur l’idéal qui a animé les socialistes, ces dernières années. Il est, pour nous, important de nous distinguer des

radicaux-socialistes, et des sociaux-démocrates -pour lesquel-le-s nous avons du respect, par ailleurs-, qui ne veulent pas accomplir cette révolution sociale de la société.

Une question reste, encore, à traiter : “Qu’entendons-nous par une société anticapitaliste, post-capitaliste, socialiste, en définitive ?”

La société socialiste, pour laquelle nous luttons, sera une société dans laquelle les classes sociales, qui existent aujourd’hui, seront abolies. Sans doute, persisteront des différences de revenus entre les citoyen-ne-s, mais il n’y aura plus d’écarts de revenus et de patrimoine indécents, des différences de conditions d’existence inexplicables tels que nous les connaissons dans la société actuelle.

La société socialiste, pour laquelle nous luttons, sera une société qui aura opéré la socialisation des moyens de production. Il n’y aura plus d’un côté les propriétaires, et de l’autre les travailleur-euse-s : les travailleur-euse-s seront les propriétaires. Les entreprises seront soit nationalisées, soit autogérées soit des coopératives.

La société socialiste, pour laquelle nous luttons, sera une société où la notion de propriété privée sociale sera appliquée. La propriété privée sera maintenue, mais la société pourra se réserver le droit de revenir sur les droits de propriété de certains individus, qui, par leur trop grande accumulation de propriétés, ou par une utilisation préjudiciable de ces propriétés, concernant le patrimoine ou l’environnement, entraveraient notre capacité collective à répondre au besoin de tou-te-s et à permettre à chacun-e de connaître des conditions de vie dignes.

La société socialiste, pour laquelle nous luttons, sera une société où il ne suffira plus d’être le fils de, ou la fille de, pour hériter d’avantages financiers et matériels. Des biens pourront faire l’objet d’un héritage, parce qu’ils ont une valeur sentimentale essentielle pour les personnes concernées par ces héritages, mais la succession ne devra plus conduire à creuser des inégalités patrimoniales injustifiées.

La société socialiste, pour laquelle nous luttons, sera une société dans laquelle la consommation sera appréhendée de manière à répondre aux besoins collectifs, et non plus aux désirs individuels, qui sont stimulés, exacerbés et même parfois inventés par le règne du capitalisme, et de la publicité. La consommation deviendra une question éminemment politique.

La société socialiste, pour laquelle nous luttons, sera une société libre où l’idéal démocratique sera atteint. Tou-te-s les citoyen-ne-s pourront réellement s’investir, s’engager dans la vie de la cité, puisque les capacités temporelle et pécuniaire, qui leur font faute, actuellement, pour le faire, leur seront délivrées. Une place plus grande sera allouée aux citoyen-ne-s qui n’occupent pas de fonction(s) élective(s), dans le processus de prise de décisions. Les travailleurs-euse-s demeureront des citoyen-ne-s dans leurs entreprises, où leurs voix, enfin, compteront.

La société socialiste, pour laquelle nous luttons, sera une société où le travail prendra un sens nouveau. Encadré de façon à ce qu’il ne prenne pas le pas sur les autres sphères de

l’existence, les femmes et les hommes retrouveront du temps pour faire des loisirs, pour étudier, pour s’engager, pour partager du temps avec les membres de leur famille et leurs ami-e-s ou autre. Parce que visant d’abord à répondre aux besoins de la société et de celles et ceux qui la composent, parce que planifié démocratiquement par les citoyen-ne-s, parce qu’espace de gestion collective pour les travailleur-euse-s, parce que libéré des logiques insatiables de profits, il perdra le caractère absurde du travail capitaliste. Axé autour de la juste répartition des tâches, notamment les plus laborieuses, sur la base des capacités de chacun-e, et la possibilité de la reconversion tout au long de la vie, il sera débarrassé de l’essentiel de sa portée aliénante pour le corps et l’esprit. De chacun-e selon ses moyens, à chacun-e selon ses besoins.

La société socialiste, pour laquelle nous luttons, sera une société où les discriminations envers de quelconques individus seront pourchassées. Toutes les aliénations, les dominations, liées au travail, au patriarcat, à l’homophobie, à la transphobie, au racisme ou encore au validisme seront combattues.

La société socialiste, pour laquelle nous luttons, sera une société qui respecte la nature et les différentes formes du vivant. Nous entendons nous détacher du modèle économique mondialisé productiviste. Il faudra, également, rapprocher le lieu de production du lieu de consommation. Le dogme de la croissance sera, sérieusement, remis en cause. En effet, nous inscrivons, à ce sujet, dans la pensée d’Edgar Morin : “[Il faut] déterminer ce qui devrait croître (économie sociale et solidaire, agroécologie et agriculture fermière, économie de l’indispensable pour tous, production à l’obsolescence non programmée et non jetables, artisanat de réparation et commerces de proximité, etc.) et ce qui devrait décroitre (économie du futile et de fausses vertus de rajeunissement et d’embellissements, alimentation industrialisée, production d’énergies polluantes, ventes d’armes à des puissances belliqueuses, etc.).”.

La société socialiste, pour laquelle nous luttons, sera une société pacifiée et solidaire où seront immuablement respectées les libertés individuelles fondamentales, où seront sans cesse combattues toutes les formes d’oppression, et où sera continuellement recherché le bien commun.

En conclusion, vous l’aurez compris, si nous sommes socialistes anticapitalistes c’est parce que nous rêvons d’un autre avenir, que celui que nous promet le système capitaliste. Jean Auroux disait à ce propos : “l’avenir n’est pas celui que l’on attend, mais c’est celui que l’on fait”. Nous ne voulons pas que l’aboutissement de notre lutte politique soit caractérisé par quelques mesurettes qui amélioreraient un peu le système actuel. Nous exigeons, à terme, sa disparation, au profit d’une société socialiste, grâce à une succession de réformes et de phases transitoires. Nous voulons faire la démonstration que réformisme et anticapitalisme ne sont pas antagonistes, et peuvent même s’associer afin de bâtir une société nouvelle, qui ait pour dessein de rendre accessible le bonheur à chacun-e d’entre nous.

Lubin Dargère